Dans le prolongement des réflexions menées par de grands réseaux d’élus dont Yves Dauge et son rapport de 2017 sur l’effondrement de nombreux centres anciens, pourtant dotés d’un riche patrimoine et souvent dotées d’un espace protégé, des élus, architectes, historiens et chercheurs ont lancé une expérimentation « Petites Villes Grands Patrimoines ». Les causes de cette dégradation sont multiples, fuite des services vers les villes plus importantes, prolifération des centres commerciaux, baisse de l’investissement dans un parc de logement mal entretenu, manque d’ingénierie. Si des programmes comme Action Cœur de ville ou Petites villes de demain ont vu le jour, les toutes petites villes ont été souvent oubliées.
Parmi elles, il en existe qui, grâce à un grand patrimoine, possèdent une forte attractivité touristique. Mais si le tourisme peut être pensé comme un moyen pour sortir du marasme qui les touche, quelles en sont les véritables retombées pour la collectivité ?
Une foule investit les lieux de façon saisonnière, consommant dans des commerces parfois peu soucieux de la qualité des espaces publics, confisquant les étages d’immeubles entiers et ne participant pas toujours à l’économie de la ville. Les visiteurs en grand nombre peuvent saturer les rues et parkings, gênant la circulation et la vie quotidienne. Les hébergements touristiques et les résidences secondaires se multiplient, privant de nombreux logements pour les résidents. La présence d’un patrimoine remarquable devient alors un facteur de déséquilibre vis-à-vis de l’ensemble de la commune, exigeant un fort investissement public et des règles qui peuvent apparaitre des obstacles à l’aménagement et aux usages les plus quotidiens des habitants.
Ces difficultés atteignent un paroxysme quand ces petites communes riches en patrimoine et attractives, sont considérées comme privilégiées par des intercommunalités. Leurs charges, inhérentes au grand patrimoine, ne cessent de croitre, alors que la fiscalité de ces petites villes n’évolue pas, bien au contraire, les compétences diverses échappant de plus en plus à leur pouvoir décisionnaire.
Comment des professionnels de l’aménagement du territoire peuvent agir pour résoudre ces questions et ces défis ? Comment mieux identifier la commande et les rôles réciproques des maîtrises d’œuvre et d’ouvrage, avec la difficulté pour de trop petites communes d’avoir la capacité à engager des projets complexes et coûteux.
L’objectif de « Petites Villes, Grands Patrimoine » consiste à inventer de « nouveaux ateliers publics de territoire », en se fondant sur les réflexions et les productions des écoles d’architecture et des universités, des acteurs locaux de la ville et des territoires (CAUE, Parcs, Grands Sites, PAH…)
Villefranche de Conflent
Villefranche de Conflent (Pyrénées Orientales) classée en 2008, au Patrimoine Mondial de l’Humanité par l’Unesco dans la collection Vauban (comme sa ville voisine de Mont-Louis), est d’une richesse patrimoniale inouïe. Toutefois Villefranche compte moins de 300 habitants, une petite poignée d’employés municipaux autour du maire, une population très paupérisée et des charges et gestions liées à ces patrimoines, gigantesques…
Au coeur d’un territoire intercommunal avec pour Chef-Lieu Prades, Villefranche de Conflent connait la fréquentation la plus importante de la vallée de la Têt, avec environ 800 000 visiteurs qui traversent la ville dont la surface dépasse à peine les remparts. Une forte attractivité qui laisse à penser que la ville a des retombées économiques importantes. Ce n’est malheureusement pas le cas.
La ville reste enserrée dans ses remparts et son réseau de rues étroites, engorgées lors de la saison touristique. Afin de respecter la qualité de son patrimoine, les travaux sont fortement encadrés et doivent respecter des cahiers des charges stricts. De nombreux propriétaires n’habitent pas la ville se contentant de louer les logements ou des commerces. En conséquence une partie du bâti se retrouve dans un état de dégradation avancé. Lors de la saison touristique, les flots de voitures occupent tous les parages de la ville, détruisant son rapport au paysage pyrénéen. Et avec un aussi faible nombre d’habitants, sans relation privilégiée avec l’intercommunalité, la commune ne dispose pas de capacité financière et technique.
La méthode, des étudiants en architecture sur le terrain…
A l’ENSA Paris Val de Seine, à la demande de la commune de Villefranche de Conflent et de la Fabrique de Territoire « Les 2 Rives », en concertation avec le Sénat, un studio de projet coordonné par Alba Platero et Hervé Dubois a entrepris de faire travailler les étudiants sur cette ville.
Le groupe d’ étudiantes et étudiants a passé une semaine dans la commune et développé ensuite des projets d’aménagement dans différents sites. Il avait pour mission de réfléchir sur les leviers possibles pour sortir de cette crise, vers des avenirs moins sombres, en inventant de nouvelles utilisations du bâti, en cherchant à élargir la programmation touristique, et autres.
Objectifs
L’objectif de cette exposition est, outre de présenter les premières réflexions, de lancer un réseau d’écoles et d’universités en lien avec le Sénat et d’associations d’élus engagés dans les patrimoines autour de l’expérimentation « Petites Villes Grand Patrimoine » avec l’appui de l’État, des Régions et des Départements.